Ce n’est pas parce qu’on a un iPhone que l’on sait s’en servir

Le site électronique https://www.ladepeche.fr/ a publié, aujourd’hui lundi 31 juillet, une interview avec Edouard Forzy, le Président de “La Mêlée”, l’association qui fédère les acteurs du numérique en Occitanie.

Il analyse, à travers cette interview, les implications de la dématérialisation et de l’identité numérique dans le quotidien des citoyens.

“L’idée principale qui s’en sort : ” Ce n’est pas parce qu’on a un iPhone que l’on sait s’en servir »

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Le 17 juillet, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé la dématérialisation du permis de conduire en 2024. Quels sont les enjeux et conséquences de ce passage à l’identité numérique pour l’usager ?

  Toute évolution a ses avantages et inconvénients. L’identité numérique, on peut la voir comme une extension de notre identité physique : un maximum d’informations sur notre téléphone ou notre ordinateur qui nous permettent de nous identifier à tout moment en ligne, sans forcément avoir besoin d’avoir ses papiers avec soi. Lorsqu’elle intègre des mots de passe ou des données plus complexes comme la biométrie, elle sécurise normalement l’échange entre individus et services. Aujourd’hui, elle existe déjà à travers France Connect, par exemple, afin de se connecter à son espace personnel pour les impôts ou la santé via des plateformes souveraines et contrôlées. Concernant le permis de conduire dématérialisé et, demain, la carte Vitale ou la carte d’identité, l’avantage recherché, à l’échelle européenne est d’avoir une connaissance plus fine de chaque citoyen qui pourra être reconnu dans toute l’UE. Cela doit permettre de faciliter l’accès de chacun à de nombreux services en ligne, de lutter contre la fraude, les usurpations d’identité, mais aussi de simplifier le “ millefeuille administratif ” en s’épargnant par exemple, des semaines d’attente pour un passeport, une carte d’identité, tout en faisant des économies de personnel.

 La dématérialisation suppose d’avoir un téléphone portable, avec iOS ou Android, systèmes tenus par des géants étrangers de l’industrie numérique. Comment l’Etat garantit la sécurité des données personnelles ?

C’est justement la difficulté. Les “majors” du numérique ne sont ni françaises ni européennes, elles sont américaines ou chinoises. Cela met nos Etats face à l’obligation de constituer une sécurisation et une éthique des données et de garantir à tous les citoyens qu’elles ne vont pas être utilisées à des fins commerciales ou récupérées par des services de renseignement étrangers. Or lorsqu’on voit le nombre de pubs ciblées qu’on reçoit déjà au quotidien par internet, cela donne une idée du chantier. Les citoyens usagers doivent donc aussi se mobiliser pour que l’Europe et la France assurent cette protection de leur identité numérique. La France possède déjà une certaine expertise : concernant les impôts, les données sont déjà dématérialisées à 100 % et ça a l’air de fonctionner. Cela n’empêche pas qu’il faudra des organismes compétents afin de contrôler tout cela, éviter les piratages et les attaques.

Quid des 15 % de Français qui n’ont pas de téléphone portable et des 13millions de personnes en difficulté numérique, selon le Défenseur des droits ?

À la Mêlée Numérique, nous pensons même que ce sont 20 millions de Français, en incluant “l’illectronisme”. Ce n’est pas parce qu’on a un iPhone que l’on sait s’en servir. Et la question ne concerne pas que les publics fragiles, isolés, les personnes âgées, ou la ruralité avec le problème des zones blanches : les jeunes qui ont un iPhone pour aller sur TikTok, n’ont aucune idée de l’utilisation des applications de l’État. Certes, et on l’a vu avec le Covid, on ne peut pas forcer ceux qui ne le veulent pas à utiliser une application et tout cela supposera donc de garder une alternative “physique” au niveau des pièces d’identité pour quelque temps encore. Mais in fine, le refus du numérique – déjà pénalisant pour trouver un emploi — sera de plus en plus marginalisant et un jour, l’identité numérique sera probablement la règle. L’urgence, c’est donc l’apprentissage des bonnes pratiques de sécurité et de protection de ses données personnelles tant pour les seniors que pour les jeunes.

La dématérialisation, c’est un pas de plus vers Orwell ?

Oui, si elle ne s’accompagne pas de garanties de protection. On ne peut pas tout donner à Google, Apple, Samsung, Huawei ni à la CIA. Peut-on tout donner à nos gouvernements, nos États ? Là aussi la question se pose car la démocratie repose sur le respect des libertés individuelles et la protection de la vie privée.

 


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